Latte au Midnight café
Prologue
Il y avait cette rue un peu en retrait du centre historique de la ville, une de ces bourgades typiques que l’on pouvait trouver dans l’Est de la France. Avec ses bâtiments qui faisaient face au canal, les pavés inégaux sur le sol et les charmants lampadaires à l’ancienne qui créaient une ambiance douce et chaleureuse, une fois la nuit tombée. L’été, le parfum des roses trémières et des passiflores, qui entouraient les portes, embaumait l’air, remplacé en hiver par le bois brûlant dans les cheminées.
Tout au fond, juste avant la volée de marches qui menait au bord de l’eau, une bâtisse à trois étages attirait particulièrement les habitués, et quelques badauds qui osaient s’aventurer en dehors des sentiers touristiques.
Sur le chevalet extérieur, en équilibre bancal sur la chaussée, on pouvait lire le mot manuscrit, écrit à la craie blanche sur fond noir, « OUVERT » avec une flèche pointant vers l’entrée. Une porte en bois et ses deux fenêtres de chaque côté, le tout surmonté d’une pancarte au nom de l’établissement : Midnight Café.
Une fois à l’intérieur, après avoir été accompagné par la musique du carillon au-dessus de la porte, on se retrouvait dans une salle aux murs faits de pierres apparentes et au sol dont les lattes avaient dû voir leur juste lot de passants. La pièce était de bonne taille. Assez pour y accueillir diverses petites tables près des vitres, dont la vue donnait soit sur le passage ou sur un jardin près de la rivière, des bancs faisant office d’assises sous les ouvertures. Dans le fond, près d’une cheminée dont l’âtre réchauffait les journées grises et moroses, un bar en bois couleur de caramel et sa vitrine. Le meuble le plus imposant, prenant presque tout le milieu de la pièce, était une table en chêne brut avec des bancs assortis qui l’entouraient et sur lesquels étaient disposés des couvertures et divers coussins.
Une musique relaxante sortait d’enceintes, habilement camouflées dans les coins des poutres apparentes du plafond. Une douce senteur de café fraîchement moulu, de beurre chaud et de sucre flottait dans l’air.
C’était un endroit où il faisait bon de s’installer, pour déguster une des nombreuses boissons chaudes inscrites à la carte. Le tout en savourant une pâtisserie préparée dans la cuisine, que l’on apercevait dans le sillon du comptoir.
Le barista était toujours souriant et semblait savoir ce que vous alliez commander avant même d’ouvrir la bouche. Il était grand et carré d’épaules, sa chemise souvent tirée sur ses muscles, il arborait toujours un sourire en coin qui dévoilait légèrement ses canines. Sous la lumière des spots, des mèches presque dorées ressortaient dans les ondulations acajou de ses cheveux. Ses pupilles semblaient couleur de miel.
Au bout du comptoir, près de l’escalier exclusif aux membres du personnel, était installée sur un haut tabouret, une femme aux longs cheveux roux, souvent tenus grâce à une cuillère en un haut chignon qui laissait tomber quelques mèches. De ses yeux vert émeraude, elle parcourait généralement un livre ou travaillait sur son ordinateur, toujours avec une tasse fumante à ses côtés. La propriétaire des lieux aimait pouvoir saluer les clients, les remercier de leur venue. Parfois elle grimpait les escaliers, dont le bois grinçait à force de siècles d’utilisations, pour aller travailler dans son bureau. Elle passait devant une série de photographies encadrées, montrant l’histoire des lieux et des différentes personnes ayant travaillé entre ses murs.
Peut-être qu’ils ressemblaient tous étrangement aux occupants actuels.
